Dans une famille, il y a toujours des moments plus difficiles que d’autres. Une séparation, un déménagement, un accident, une maladie, l’intimidation à l’école… autant de situations qui bousculent la sécurité de nos enfants. Pourtant, plusieurs d’entre eux parviennent à traverser ces tempêtes et à retrouver un équilibre: c’est ça, la résilience.
Malgré notre inconfort ou notre douleur de voir souffrir nos enfants, ces défis peuvent s’avérer un cadeau pour l’avenir.

Qu’est-ce que la résilience?
La résilience, ce n’est pas être « fort » en tout temps, ni ne jamais souffrir. C’est plutôt la capacité de se relever après une épreuve, d’apprendre de ce qui arrive et, parfois, de sortir grandi de l’expérience. Comme le dit le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, pionnier du concept: « La résilience, c’est l’art de naviguer dans les torrents. ».
Chez l’enfant, cette capacité n’est pas innée: elle se construit. Et les parents, l’entourage, l’école et la communauté jouent un rôle central dans ce processus.
Des défis réels vécus par les enfants
Certains enfants grandissent dans une vie plutôt stable, avec peu d’embûches. D’autres, dès leur plus jeune âge, doivent composer avec des changements et des défis qui bousculent leur quotidien. Un seul événement peut représenter un apprentissage important… mais quand les épreuves s’accumulent, l’adaptation devient beaucoup plus difficile.
Prenons quelques exemples :
- La séparation ou le divorce des parents: l’enfant doit apprivoiser de nouvelles routines, parfois deux maisons différentes, tout en gérant une vague d’émotions fortes.
- Un déménagement ou un changement d’école: il perd ses repères et doit reconstruire son réseau d’amis, ce qui peut être insécurisant.
- Une maladie ou un deuil dans la famille: l’absence ou la peur de perdre une figure sécurisante vient ébranler son sentiment de stabilité.
- L’intimidation ou l’échec scolaire: l’estime de soi est directement touchée, et l’enfant peut se sentir seul ou incapable.
- L’immigration et l’exil: pour plusieurs nouveaux arrivants, enfants comme parents, il y a le poids des traumas vécus dans leur pays d’origine (guerre, pauvreté, persécution) et le choc de devoir s’adapter à une nouvelle culture, une nouvelle langue, une nouvelle école.
Toutes ces réalités exigent une bonne dose de résilience. Retrouver un sentiment de sécurité et de confiance après de tels bouleversements n’est jamais automatique : c’est un processus qui se construit petit à petit, avec du soutien, de la stabilité et beaucoup de bienveillance.

Et la douance dans tout ça?
On croit parfois que les enfants doués, avec leurs grandes capacités intellectuelles, sont naturellement mieux outillés pour faire face aux défis. Pourtant, la réalité est plus nuancée. Leur sensibilité accrue, leur pensée en arborescence et leur intensité émotionnelle peuvent rendre certaines situations encore plus difficiles à traverser.
Un déménagement, un rejet à l’école, une injustice vécue dans une relation… ces événements, qui paraissent « banals » aux yeux des adultes, peuvent être vécus comme de véritables bouleversements pour un enfant doué. Leur lucidité fait en sorte qu’ils comprennent très tôt la complexité des situations, mais sans toujours avoir la maturité émotionnelle pour y faire face.
La bonne nouvelle, c’est que ces mêmes caractéristiques peuvent aussi devenir des leviers puissants pour développer leur résilience. Leur créativité, leur curiosité et leur capacité à réfléchir autrement leur permettent souvent de trouver des solutions originales et de transformer leurs expériences en apprentissages riches.
Le rôle des parents et des intervenants est alors crucial : accueillir leur intensité au lieu de la minimiser, reconnaître leurs émotions profondes, et leur offrir des occasions concrètes de mettre à profit leurs forces. Avec cet accompagnement, la douance devient non pas un obstacle, mais un moteur supplémentaire de résilience.
Comment favoriser la résilience chez nos enfants?
Bonne nouvelle : la résilience se développe! Voici quelques leviers concrets, reconnus par la recherche :
- Un lien sécurisant avec un adulte de confiance
Même un seul adulte stable et bienveillant peut servir de pilier. Un parent, un grand-parent, un enseignant… cet attachement solide aide l’enfant à se sentir en sécurité pour affronter ses défis. - Donner de l’espace aux émotions
Accueillir la tristesse, la colère ou la peur sans les minimiser. Dire : « Je comprends que tu sois triste, c’est normal » aide l’enfant à mettre des mots sur son vécu. - Mettre l’accent sur ses forces
Plutôt que de pointer uniquement ce qui va mal, remarquez les petits pas positifs : « Tu as osé parler à un nouvel ami aujourd’hui, bravo! » - Favoriser des routines stables
Dans le chaos d’une crise, les repas, le coucher et les rituels familiaux sont des repères rassurants. - Encourager la recherche de solutions
Aider l’enfant à se demander : « Qu’est-ce qu’on peut faire dans cette situation? » plutôt que de rester bloqué dans le problème. - Valoriser les racines et l’identité (particulièrement pour les nouveaux arrivants)
Célébrer la culture d’origine, apprendre quelques mots de la langue maternelle, cuisiner des plats traditionnels en famille… tout cela soutient la fierté et aide l’enfant à se construire dans son nouveau milieu.
Et si on voyait la résilience comme un muscle?
Chaque épreuve devient une occasion de renforcer un peu plus la résilience de nos enfants. Bien sûr, ce n’est jamais simple. Mais avec du soutien, de la constance et beaucoup d’amour, ils découvrent peu à peu qu’ils ont en eux la force nécessaire pour traverser les tempêtes. Et parfois, ce qu’ils en retirent, c’est une confiance profonde et durable en leur propre capacité à se relever.
On peut alors les comparer à ces fleurs qui, contre toute attente, parviennent à éclore à travers les fissures du béton : fragiles en apparence, mais d’une force étonnante.
Sources
- Masten, A. S. (2001). Ordinary Magic: Resilience Processes in Development. American Psychologist, 56(3), 227–238.
- Cyrulnik, B. (2002). Un merveilleux malheur. Odile Jacob.
- Luthar, S. S., Cicchetti, D., & Becker, B. (2000). The Construct of Resilience: A Critical Evaluation and Guidelines for Future Work. Child Development, 71(3), 543–562.
- UNICEF (2020). La résilience des enfants réfugiés et migrants : renforcer les systèmes de protection.
- APA – American Psychological Association. (2014). The Road to Resilience.