Les émotions « mal-aimées »: comment leur faire une place?

On aime quand tout va bien. Que ce soit chez nos enfants ou dans nos propres vies d’adultes, on apprécie la joie, le rire, l’enthousiasme. Mais quand la colère, l’anxiété, la jalousie, la peur ou la tristesse débarquent, ça se complique. Ce sont ce qu’on pourrait appeller les émotions mal-aimées. Celles qu’on tente de cacher, de minimiser ou de contrôler… parfois même d’étouffer.

Pourtant, ces émotions font partie de l’expérience humaine. Elles ne sont pas là pour rien. Elles viennent nous signaler quelque chose: un besoin, une limite, un malaise. Et si, au lieu de les faire taire, on leur donnait enfin une place?

Ces émotions qui parlent plus fort qu’on le croit

Chaque émotion est comme une petite alarme intérieure. Mais ce qu’on voit à l’extérieur n’est pas toujours le reflet exact de ce qui se vit à l’intérieur.

La colère, par exemple, peut exploser en cris, en claquements de portes ou même en insultes. Chez un enfant, ça peut être un toutou lancé à travers le salon; chez un adulte, ça peut être un courriel écrit sur un coup de tête ou une discussion qui dérape. Derrière tout ça, souvent, il y a de la peur, de la honte ou de la tristesse.

La peur se traduit parfois par des pleurs à l’école ou par un refus de sortir de la maison. Chez un adulte, ça peut être cette boule dans le ventre avant une réunion importante ou cette hésitation à prendre la parole en public. Elle cache souvent un manque de confiance ou une anxiété de performance.

La tristesse se manifeste par un repli, une perte d’énergie, un manque d’intérêt. Un ado peut s’enfermer dans sa chambre, un parent peut traîner une fatigue constante. Parfois, c’est une colère refoulée, ou un sentiment d’injustice qui n’a pas trouvé d’écho.

La jalousie peut ressembler à une crise quand un enfant veut absolument jouer avec le même jouet que son ami. Chez un adulte, elle peut se traduire par des comparaisons avec les collègues, ou par le pincement qu’on ressent quand on regarde défiler les « vies parfaites » sur les réseaux sociaux. Au fond, la jalousie révèle souvent un besoin de reconnaissance, de sentir qu’on a une place unique.

Ce que cachent les émotions mal-aimées

Pourquoi elles sont si difficiles à accueillir?

Socialement, on a tendance à valoriser la joie et à repousser les émotions plus lourdes. On dit souvent: « arrête de pleurer », « Calme-toi! », « Sois positif! ». Le message implicite est que certaines émotions sont mal vues, voire interdites.

En grandissant, l’enfant (et même l’adulte) apprend donc à les refouler. Mais une émotion qu’on n’écoute pas ne disparaît pas: elle ressort autrement, parfois en crises plus intenses, en anxiété, en maux physiques ou en isolement.

Et chez les enfants doués?

Les jeunes doués vivent souvent leurs émotions à intensité élevée. Leur hypersensibilité amplifie les blessures liées au rejet ou aux conflits. Leur décalage de maturité fait qu’ils veulent parfois parler de sujets existentiels pendant que leurs amis s’intéressent aux Pokémons ou aux tutoriels de maquillage. Ils peuvent alors se sentir incompris, différents, voire seuls.

S’ajoute souvent le besoin de plaire et la recherche de perfection. Ils veulent être aimés pour qui ils sont, mais craignent de décevoir ou d’être rejetés s’ils montrent leurs failles. Résultat: la tristesse, la colère ou la jalousie peuvent être vécues avec beaucoup plus d’intensité.

Accueillir ces émotions, c’est leur montrer qu’ils n’ont pas à cacher ce qu’ils ressentent ni à se conformer à tout prix. Ça leur permet de comprendre que leurs émotions sont normales et que leur valeur ne dépend pas de la perfection ou de l’approbation des autres.

Comment accompagner… enfants et adultes

Accueillir une émotion ne veut pas dire être d’accord avec le comportement qui vient avec. Ça veut dire reconnaître ce que la personne ressent. Dire: « Je vois que tu es fâché » ou « Ça a l’air difficile pour toi en ce moment » peut déjà faire tomber la pression.

Plutôt que de chercher à éteindre l’émotion, on peut s’en servir comme point de départ. Qu’est-ce qu’elle essaie de dire? Qu’est-ce qui se cache derrière cette jalousie ou cette colère? En aidant l’enfant (ou même en s’aidant soi-même comme adulte!) à identifier le besoin derrière l’émotion (être entendu, être rassuré, se sentir compétent ou aimé), on ouvre la porte à des solutions plus saines.

Et quand les émotions deviennent trop lourdes, qu’elles durent ou qu’elles bloquent le quotidien, il est tout à fait approprié d’aller chercher de l’aide auprès d’un professionnel. Les psychoéducateurs sont tout à fait capables de vous accompagner dans cette démarche https://ordrepsed.qc.ca/ . Parfois, c’est ce petit coup de pouce extérieur qui fait toute la différence.

Les émotions mal-aimées font partie de nous. Elles ne sont pas des ennemies à vaincre, mais des indicateurs précieux. Les accueillir, c’est apprendre à mieux nous connaître et à nous respecter, que ce soit comme parent, comme enfant ou comme ado. Parce qu’au fond, ce qu’ on a besoin d’entendre, c’est: « Je comprends, tu vis quelque chose de difficile, et je suis là. ».


Sources

  • American Psychological Association (2023). Managing negative emotions in children.
  • Gouvernement du Québec (2022). La santé mentale des jeunes et l’influence des pairs. INSPQ.
  • Gross, J. J. (2015). Emotion Regulation: Conceptual and Practical Issues. Guilford Press.
  • Terrassier, J.-C. (2009). La dyssynchronie chez l’enfant surdoué. ESF éditeur.
  • Siaud-Facchin, J. (2014). Trop intelligent pour être heureux ?. Odile Jacob.

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