L’amitié, c’est un pilier de nos vies. Avoir quelqu’un avec qui rire, se confier et partager des moments rend le quotidien plus doux. Mais parfois, ces relations nous tirent vers le bas plutôt que de nous faire grandir. C’est l’amitié toxique. Même les adultes ne sont pas à l’abri de ce type de relation. On a tous connu un ami qui gruge plus d’énergie qu’il n’en donne…
Chez les enfants et les ados, ces dynamiques sont encore plus délicates. Comme parent, voir son enfant coincé dans une relation qui lui fait mal est difficile. On voudrait l’en protéger… mais ce n’est jamais aussi simple.
C’est quoi une amitié toxique?
Une amitié toxique, ce n’est pas une chicane ou une petite jalousie normale entre amis. C’est une relation où, de façon répétée, il y a un déséquilibre. Un domine, l’autre subit. Au lieu d’apporter du plaisir, la relation génère du stress, de la peur ou de la tristesse.
Un exemple? Ton enfant se fait dire : « Si tu ne fais pas ça, je ne suis plus ton ami », ou « Je vais dire ton secret à tout le monde ». Au lieu de rentrer joyeux après une activité avec des amis, il revient découragé, honteux ou en larmes.

Les signes qui alertent
Certaines attitudes reviennent souvent : le chantage affectif, les moqueries répétées, les surnoms humiliants, la jalousie excessive qui isole l’enfant de ses autres amis. Parfois, c’est l’anxiété avant une rencontre: « J’ai mal au ventre, je ne veux pas y aller » ou une tristesse persistante après. Quand ces signaux s’accumulent, il est temps d’y porter attention.
Pourquoi ça arrive?
Les causes sont variées. Certains enfants n’ont pas encore appris à résoudre les conflits autrement qu’en dominant ou en cédant. D’autres manquent de confiance pour poser leurs limites ou ne veulent pas déplaire.
Les réseaux sociaux accentuent aussi les blessures : être retiré d’un groupe Messenger ou ne pas apparaître dans une photo de gang peut blesser autant qu’une exclusion dans la cour d’école.
Et à l’adolescence, le besoin d’appartenir à une gang est immense. Cette quête de reconnaissance est normale, mais elle rend les jeunes plus vulnérables aux dynamiques toxiques.

La réalité particulière des enfants doués
Chez les enfants doués, les amitiés peuvent être encore plus intenses. Leur hypersensibilité amplifie la douleur du rejet. Leur décalage de maturité ou leurs intérêts différents compliquent aussi les choses. Parfois, pour ne pas être seuls, ils tolèrent des relations toxiques simplement pour appartenir à un groupe.
Valider leur sensibilité, reconnaître leurs différences et leur permettre de rencontrer des pairs qui partagent leurs passions peut faire toute la différence.
L’amitié est censée nourrir, pas blesser. Une amitié saine donne des ailes, une amitié toxique les coupe. Comme parent, on ne peut pas choisir les amis de nos enfants, mais on peut rester présent, écouter, mettre des mots et, au besoin, aller chercher de l’aide. C’est en les accompagnant ainsi qu’on leur permet de bâtir des relations qui les font grandir plutôt que souffrir.
Ce que ça fait comme parent
Assister à ça est difficile. On voudrait dire à notre enfant de couper les ponts immédiatement, mais pour lui, ce n’est pas si simple. Cet ami représente peut-être sa seule porte d’entrée dans le groupe. Rompre le lien peut équivaloir à se retrouver seul.
Plutôt que de critiquer son ami, on peut mettre des mots sur ce qu’on observe : « J’ai remarqué que tu semblais triste quand il t’a dit que tu n’étais plus son ami si tu refusais ». Ça ouvre la discussion sans l’obliger à se défendre.
Travailler avec les deux
Une amitié toxique n’implique pas seulement une victime et un agresseur. Chez celui qui subit, il est aidant de travailler l’estime de soi et la capacité à poser des limites. Chez celui qui exerce du pouvoir, il est important de comprendre ce qui se cache derrière ses comportements : peur de l’abandon, besoin de contrôle, difficulté à gérer ses émotions. L’accompagnement vise à développer l’empathie et à offrir d’autres façons de vivre ses relations.
Et parfois, l’amitié est toxique pour les deux. Chacun, avec ses vulnérabilités, entretient la dynamique qui les enferme mutuellement. Reconnaître cette réalité permet de leur donner des outils pour sortir du cercle malsain.
Quand faut-il consulter?
Si la souffrance devient persistante (isolement, perte de confiance, anxiété marquée, changements de sommeil ou d’appétit), il peut être pertinent de consulter un psychoéducateur, un psychologue ou un travailleur social. Un soutien extérieur aide souvent l’enfant à voir plus clair et à se sentir outillé.
Sources
- Bourassa, M., & Gingras, M. (2019). Les relations d’amitié à l’adolescence : enjeux et interventions. Revue de psychoéducation, 48(2).
- American Psychological Association (2023). Toxic friendships: Recognizing unhealthy peer relationships in youth.
- Gouvernement du Québec (2022). La santé mentale des jeunes et l’influence des pairs. Institut national de santé publique du Québec.
- Twenge, J. M., & Campbell, W. K. (2018). Screen time and adolescent mental health: Trends and findings. Journal of Adolescence.
- Terrassier, J.-C. (2009). La dyssynchronie chez l’enfant surdoué. ESF éditeur.
- Siaud-Facchin, J. (2014). Trop intelligent pour être heureux?. Odile Jacob.