Nos petits Pinocchio: pourquoi les enfants mentent?

Quand un enfant ment, plusieurs adultes y voient immédiatement un signe inquiétant: manipulation, délinquance précoce ou trouble du comportement. Le premier réflexe est souvent de vouloir punir l’enfant. Pourtant, le mensonge fait partie intégrante du développement normal de l’enfant. Derrière chaque petite « vérité arrangée », il y a un besoin, une émotion ou une étape de croissance, qui mérite d’être comprise plutôt que réprimée ou punie.

Le mensonge, un comportement normal et évolutif

Dès 2 ou 3 ans, les enfants commencent à dire des choses qui ne sont pas vraies. Pas pour tromper, mais pour explorer. À cet âge, ça ressemble davantage à un jeu ou à un mélange d’imaginaire et de réalité. Leur cerveau n’a pas encore la pleine capacité de distinguer clairement le vrai du faux, alors ils racontent « leur » réalité bien à eux. (Et oui, encore sa faute à lui, le cerveau!)

Vers 6 ou 7 ans, avec l’arrivée d’une conscience morale et d’une pensée plus logique, le mensonge prend une autre couleur. L’enfant peut inventer une histoire pour éviter une conséquence, obtenir quelque chose, plaire à ses parents… ou même préserver leur amour.

À l’adolescence, le mensonge se raffine encore: il peut devenir un outil pour protéger son intimité, préserver son estime de soi ou éviter un conflit.

L’évolution cognitive derrière le mensonge

Qu’est-ce qui rend un enfant capable de mentir? Les chercheurs montrent que la capacité de mentir est étroitement liée au développement cognitif, surtout à ce qu’on appelle la théorie de l’esprit, c’est-à-dire la capacité de comprendre que les autres ont leurs propres croyances, pensées et émotions.

Bref, mentir, ça demande… beaucoup d’intelligence!

La fonction secondaire du mensonge

Le mensonge, ce n’est pas seulement « cacher la vérité ». Ça peut avoir bien d’autres fonctions.

Parfois, on ment pour éviter une conséquence. D’autres fois, c’est pour se protéger. Par exemple, un enfant peut dire qu’il n’a pas peur d’aller dormir seul alors qu’il est inquiet dans le noir. Ou encore, à l’adolescence, il peut cacher certaines choses pour préserver son intimité, éviter un conflit ou montrer qu’il est autonome.

Il arrive aussi que le mensonge ait une fonction relationnelle. Dans une maison où l’ambiance est tendue, un enfant peut inventer ou taire certaines choses pour tester si ses parents vont rester cohérents, ou pour éviter d’ajouter de l’huile sur le feu. Et puis, mentir peut aussi être une façon de se sentir un peu plus fort qu’on ne l’est en réalité (« J’ai eu 9/10 à l’examen », alors qu’il a eu 6… mais ce 6 lui faisait peut-être trop mal à montrer).

Bref, derrière un mensonge, il y a souvent une raison, un besoin ou une peur. Comprendre ça aide à accompagner nos enfants plutôt qu’à les juger.

Et la douance dans tout ça?

Chez les enfants doués, le mensonge peut prendre une couleur particulière. Leur pensée rapide et leur grande imagination leur permettent de créer des récits très convaincants dès un jeune âge. Certains enfants doués peuvent inventer des histoires si crédibles et sophistiqués qu’on se remet en question, tellement leur imagination est vive! Parfois, le mensonge devient un outil pour répondre à une exigence intérieure de perfection. Mieux vaut cacher une erreur que d’avouer un échec, surtout quand le besoin de reconnaissance ou de plaire est immense.

Il peut aussi servir de stratégie pour gérer leur intensité émotionnelle. Éviter une critique qui ferait trop mal, protéger un sentiment de vulnérabilité, ou encore, se créer un espace de liberté quand les règles familiales ou scolaires leur semblent étouffantes. Pour les parents, il est donc essentiel d’aller au-delà du « mensonge » pour comprendre l’émotion ou le besoin derrière (peur de décevoir, honte, désir de garder le contrôle ou quête de perfection).

Comment accompagner son enfant?

Plutôt que de voir le mensonge comme un défaut, il vaut mieux le lire comme un message. L’enfant nous dit quelque chose sur ses besoins, sa peur, son désir de plaire ou son besoin d’intimité. L’accompagner avec bienveillance et curiosité permet de transformer le mensonge en occasion d’apprentissage.

Créer un climat où il est sécurisant de dire la vérité, féliciter la franchise, montrer l’exemple et explorer l’émotion derrière le mensonge sont des pistes plus efficaces que les punitions. Même un simple « Je préfère que tu me dises la vérité, je ne serai pas fâché » peut réduire de beaucoup la tentation de mentir (à condition que ce soit vrai qu’on ne se fâchera pas!).

Les mensonges… des parents aussi!

N’oublions pas que les adultes mentent aussi, parfois pour protéger, parfois par habitude sociale. Le Père Noël, la fée des dents ou le lapin de Pâques font partie de ces « mensonges sociaux » qui nourrissent l’imaginaire, transmettent des valeurs et renforcent les liens familiaux. Les enfants ne vivent généralement pas la découverte de la vérité comme une trahison, mais comme une étape vers une pensée plus logique. Ce qui compte, c’est de les accompagner avec empathie dans cette transition.

Finalement, derrière chaque mensonge, il y a une vérité à découvrir : celle des besoins et des émotions de notre enfant!


Sources

  • Talwar, V. & Crossman, A. (2011). From little white lies to filthy liars: The evolution of honesty and deception in young children. Advances in Child Development and Behavior, 40, 139-179.
  • Lewis, M., Stanger, C. & Sullivan, M. (1989). Deception in 3-year-olds. Developmental Psychology, 25(3), 439-443.
  • Wilson, A.E., Smith, M.D., & Ross, H.S. (2003). The nature and effects of young children’s lies. Social Development, 12(1), 21-45.
  • FCPQ (Fédération des comités de parents du Québec). Ressources aux parents.
  • Cairn.info – Articles sur la fonction symbolique du mensonge en contexte familial.

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